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Le projet Educación y memoria colectiva de l’Instituto de Estudios Peruvianos (IEP) aide les écoles du Pérou à se remémorer le conflit du passé afin d’édifier un avenir plus démocratique.

CONTEXTE —Au cours des années 1980 et 1990, le Pérou a été impliqué dans un conflit armé interne dont la durée et les répercussions sur le territoire national et les coûts sur le plan humain et économique ont été les plus lourds et répandus de l’histoire du pays. En 2001, le gouvernement instaurait une Commission Vérité et Réconciliation chargée de faire la lumière sur les causes et les impacts du conflit. Dans son Rapport final remis en 2003, la Commission estimait à près de 70 000 le nombre de personnes tuées ou disparues dans ces années de violence. Même si elle attribuait plusieurs des atrocités commises à l’armée et à la police, elle constatait que le Parti communiste du Pérou – un mouvement marxiste-léniniste d’inspiration maoïste connu sous le nom de Sentier lumineux – était responsable de la plus grande partie des morts et des disparitions.

Pendant des décennies, le gouvernement avait négligé le secteur de l’éducation et l’application d’un modèle éducatif vertical et acritique a permis au Sentier lumineux de s’approprier les espaces réservés à l’éducation publique pour faire du prosélytisme et répandre son idéologie à l’origine du militantisme étudiant devenu une des principales caractéristiques du conflit péruvien. Afin d’empêcher que le système d’éducation ne soit à nouveau saisi à des fins d’incitation à la violence, la Commission Vérité et Réconciliation a recommandé une réforme radicale de l’éducation publique au Pérou. Mais, une décennie plus tard, le gouvernement n’a toujours pas entrepris cette réforme.

CE QUE L’IEP A FAIT —L’Instituto de Estudios Peruvianos (IEP) effectue de longue date des recherches sur le conflit interne qui a sévi au Pérou. L’Institut a en effet produit les principales études sur la violence politique perpétrée pendant les années 1980 et mis sur pied plus récemment le Grupo Memoria, une tribune de discussion, de recherche et d’échanges entre des chercheurs, jeunes et chevronnés, désireux d’approfondir et de débattre les thèmes associés à la mémoire collective et au conflit armé. Tout aussi importante est la vaste expérience du milieu de l’éducation acquise par l’lEP à partir des années 1970. L’intérêt que l’IEP porte à l’éducation s’est renforcé et diversifié davantage depuis cette époque et s’appuie aujourd’hui sur le travail d’une équipe multidisciplinaire qui se penche sur de nombreux aspects de cette thématique.

En 2012, alliant de façon unique son expérience dans les domaines de la violence politique et de l’éducation, l’IEP a entrepris le projet Educación y memoria colectiva : una propuesta para recordar el pasado y construir un futuro democrático en las escuelas peruanas (Éducation et mémoire collective : une proposition pour se remémorer le passé et édifier un avenir démocratique dans les écoles du Pérou). Le projet avait pour but d’étudier les multiples difficultés que présentait l’enseignement portant sur le conflit – notamment le déni de mémoire par les familles et les collectivités et la méfiance entre les enseignants et leurs anciens étudiants – et de recommander au ministère de l’Éducation des façons d’aborder le sujet dans les écoles secondaires publiques. L’ambassade du Royaume-Uni a financé le projet et l’Initiative Think tank (ITT) a accordé un financement de base destiné au soutien logistique et administratif et à la diffusion de l’information. En novembre 2012, grâce au soutien de l’ITT, l’IEP a organisé également le séminaire Educación y memoria auquel ont participé le ministre de l’Éducation et plusieurs universitaires péruviens et étrangers ainsi que des fonctionnaires et des spécialistes. Le séminaire, qui a abordé le concept de mémoire et l’histoire récente sous l’angle de l’éducation des enfants et des jeunes, a été accueilli favorablement et a permis de jeter un éclairage et de produire des connaissances susceptibles d’inspirer la conception des politiques du Pérou en matière d’éducation.

RÉSULTAT —Lorsque le projet a été lancé en 2012, l’enseignement portant sur le conflit armé interne ne faisait plus partie des priorités publiques. Cependant, lorsque, cette même année, une nouvelle branche du Sentier lumineux a voulu s’inscrire comme parti politique et que les jeunes membres du mouvement se sont manifestés sur la scène publique, la population a demandé d’urgence qu’on traite de l’histoire récente à l’école afin que les nouvelles générations comprennent ce conflit et en tirent des leçons. Le projet de l’IEP a alors suscité un grand enthousiasme à l’échelle locale, comme en a témoigné la participation massive à la consultation publique organisée par l’équipe du projet Educación y memoria colectiva.

La première phase du projet a pris fin en février 2013. En octobre 2013, l’IEP a publié un document de travail intitulé Secretos a Voces (Secrets de Polichinelle) qui résume les principales constatations du projet et prône des modifications durables à la politique nationale en matière d’éducation. L’IEP compte aussi publier un ouvrage qui fera état des débats intellectuels et exposera les tenants et aboutissants de l’étude. D’une manière générale, l’étude a permis de constater que, même si le conflit armé interne est désormais intégré au programme scolaire, le sujet n’est pas abordé en salle de classe. Ce fait est attribuable principalement à la confusion qui règne parmi les enseignants quant au contenu à enseigner ainsi qu’à la perception qu’ils ont de ne pouvoir le faire en toute liberté. Un milieu institutionnel défavorable vient en outre compliquer la tâche. Les élèves ont alors tendance à se tourner vers les membres de leurs familles ou les médias pour se renseigner sur le conflit.

Tout au long du projet, l’IEP a collaboré étroitement avec trois organes du ministère de l’Éducation, soit la Direction nationale de l’enseignement secondaire, la Direction générale du perfectionnement professionnel des enseignants et le Comité sur la violence et les réparations sociales. Les autorités et les équipes techniques ont invité l’IEP à participer à des réunions de travail au sein du ministère, ainsi qu’à des tribunes et à des séminaires publics. L’Institut a fait part des résultats de ses travaux dans le cadre d’activités savantes et d’activités organisées par le ministère de l’Éducation, ainsi que par l’entremise des médias. Le ministère s’emploie actuellement à l’élaboration d’un programme de citoyenneté et d’éducation civique qui s’appuie sur les résultats produits. De plus, les fonctionnaires chargés de l’élaboration du programme régional, à Ayacucho, ont affirmé leur volonté d’y intégrer les recommandations formulées dans l’étude.

La deuxième phase du projet a été amorcée en août 2013 et se poursuivra jusqu’en février 2014. Elle porte sur la mise en oeuvre et à l’essai d’une des principales recommandations de la première phase, à savoir la tenue d’ateliers à l’intention des enseignants grâce auxquels ils pourront entreprendre en toute sécurité une réflexion et un exercice de mémoire préalables à l’enseignement du sujet en salle de classe. L’IEP réalise ce projet en collaboration avec des enseignants de deux écoles, l’une à Lima et l’autre à Ayacucho.

Pour en savoir plus sur l’IEP, consulter le http://www.iep.org.pe

Renseignements de base

Date Established:
1971

Lima, Pérou
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