Dans la plupart des cultures africaines, lorsqu’une mère accouche en toute sécurité sans qu’il n’y ait de décès, une grande célébration qui dure souvent plusieurs jours a lieu. Quelques jours ou semaines après la naissance d’un enfant, on tient une cérémonie durant laquelle ce dernier reçoit son nom. Cette cérémonie constitue une autre occasion de célébrer, particulièrement chez les peuples du sud-ouest du Nigeria. Pourquoi célèbre-t-on autant dans la plupart des cultures au Nigeria lorsqu’une femme accouche en toute sécurité ?

[Note de la rédaction : Ce billet a été rédigé par Job Imharobere Eronmhonsele, directeur de la Policy Engagement and Communications Division du CPED du Nigeria. Il est le troisième d’une série sur les think tanks et l'égalité des sexes qui sera publiée sous la direction de Shannon Sutton et Natalia Yang.]

La période allant de la conception à la naissance d’un enfant est l’un des grands miracles de la vie. Malheureusement, les membres des familles nigériennes, particulièrement les femmes en âge de procréer, éprouvent des sentiments mitigés à l’égard de la grossesse. La peur de perdre une mère enceinte, surtout pendant l’accouchement, est une importante préoccupation au Nigeria. Cette crainte découle évidemment des taux élevés de mortalité maternelle, infantile et juvénile observés dans le pays ces dernières années. Les statistiques relatives à la santé des mères et des enfants demeurent les indicateurs les plus crédibles en ce qui concerne l’état du développement humain dans le monde, et le taux de mortalité maternelle à l’accouchement au Nigeria est préoccupant. Un rapport de l’UNICEF indique que 145 femmes en âge de procréer et 2 300 enfants de moins de cinq ans décèdent chaque jour au Nigeria, qui vient au second rang des pays affichant le taux de mortalité maternelle le plus élevé au monde. Selon les estimations, environ un million d’enfants âgés de moins de cinq ans sont décédés au Nigeria, et plus de 70 p. 100 de ces décès sont attribuables à des maladies infectieuses évitables ou traitables comme la malaria, la pneumonie, la diarrhée, la rougeole et le VIH/sida.

Ces taux accablants témoignent de la faiblesse du système de santé du Nigeria et des services sociaux qui y sont offerts. La grande question est la suivante : pendant encore combien de temps devrons-nous continuer de voir nos soeurs, nos mères et nos enfants souffrir et mourir des suites de maladies et de complications qui sont évitables et traitables ? Pour répondre à cette question bouleversante, il faut d’abord cerner et connaître les facteurs à l’origine de ces décès au Nigeria.

Les difficultés liées aux services au Nigeria

En 2010, 2013 et 2015, le CPED a réalisé un certain nombre de projets portant sur les problèmes de santé des mères, des nouveau-nés et des enfants (SMNE). Ces projets comprennent les suivants : un sondage sur les défis liés à la SMNE dans dix états du Nigeria, un projet de recherche sur l’accès aux services de santé primaires dans les collectivités rurales mal desservies de l’État du Delta au Nigeria, et la mise en oeuvre d’un projet visant à améliorer les services de SMNE dans la zone de gouvernement local d’Okpe, dans l’État du Delta.

Dans tous ces projets, on a mené une enquête approfondie sur les défis auxquels les femmes doivent faire face afin de recevoir des services de SMNE, particulièrement dans les collectivités rurales. Dans les séries d’énoncés de politiques du CPED de 2010 et de 2015 ainsi que dans d’autres publications, certains de ces défis ont été présentés : 1) la faiblesse des systèmes de renvoi en vue de la prestation de soins de santé; 2) le coût élevé des services de SMNE reçus dans les établissements de soins de santé publics et privés; 3) les avortements illégaux pratiqués par de présumés guérisseurs et fournisseurs de médicaments traditionnels; 4) une connaissance insuffisante des services de planification familiale; 5) la non-disponibilité de sages-femmes qualifiées et d’équipement médical à l’échelle des établissements, plus particulièrement dans les établissements de soins de santé primaires situés dans les collectivités rurales; 6) la non-disponibilité de soins de santé primaires dans certaines collectivités rurales et 7) les attitudes des travailleurs de la santé, y compris des infirmières, de ces établissements à l’égard des femmes enceintes au moment où elles reçoivent des soins prénataux et accouchent. Ces facteurs font en sorte que des femmes refusent de se prévaloir des services de SMNE dans les établissements de soins de santé primaires en milieu rural, même celles qui ont les moyens de payer et de recevoir ces services.

Par exemple, dans une collectivité de la zone de gouvernement local d’Okpe, dans l’État du Delta, une femme interrogée a déclaré ce qui suit (en pidgin nigérian) :

« Je me suis rendue au centre de santé l’autre jour après m’être fait mordre par un serpent afin d’obtenir des cachets. Je n’aime pas cet endroit. Il n’y a personne qui nous aide. SI vous vous rendez là vous-même, le médecin refuse de vous voir et l’infirmière en chef vous dit que vous devez apporter beaucoup d’argent avant que l’on vous soigne. Si vous répondez que vous n’avez pas les moyens, elle vous renvoie à l’hôpital général. Voilà pourquoi je ne veux plus y retourner. »

Comment ces problèmes seront-ils résolus ? Qui fera quoi afin de s’assurer que ce que l’on peut éviter soit évité et que ce l’on peut guérir soit bien traité et guéri, pour ainsi réduire les taux de mortalité maternelle et infantile au Nigeria ?

Efforts du CPED

Le CPED reconnaît qu’afin de réaliser des progrès dans l’amélioration de l’accès et de la qualité des services de SMNE au Nigeria, des efforts doivent être déployés afin de relever le défi du financement des soins de santé, particulièrement dans les collectivités rurales. En 2016, le CPED a rassemblé des responsables de politiques des 25 zones de gouvernement local de l’État du Delta afin qu’ils s’interrogent, discutent et déterminent la voie à suivre pour que les soins de santé offerts dans les milieux ruraux soient gratuits et accessibles, particulièrement les SMNE.

Il a entre autres été convenu qu’il fallait étendre l’offre de services de santé gratuits pour les mères et les enfants de moins de cinq ans aux établissements de soins de santé primaires de l’État du Delta, en plus des niveaux secondaires et tertiaires de soins de santé où de tels services sont déjà offerts. De plus, des régimes communautaires d’assurance-maladie doivent être mis en place afin de s’assurer que personne ne se voit refuser de soins de santé pour cause de manque d’argent. Cette dernière question est une composante clé du projet de recherche sur la mise en oeuvre du PCED visant à améliorer les services de SMNE dans l’État du Delta, et un projet pilote, destiné à être transposé dans d’autres quartiers et zones de l’État, sera lancé afin d’établir un régime d’assurance-maladie communautaire dans le quartier 17 de la zone de gouvernement local d’Okpe. Après la consultation et la mobilisation des communautés et des autorités participantes, plusieurs ménages ont adopté le régime, s’y sont inscrits et ont commencé à recevoir des soins.

Ces efforts ont contribué à améliorer de façon tangible les soins de SMNE dans la région. On a enregistré une augmentation de plus de 50 p. 100 des inscriptions aux soins prénataux, ainsi qu’une augmentation du taux d’immunisation, du nombre de femmes qui accouchent dans un établissement et de l’utilisation des services de planification familiale.

Ces efforts sont la preuve indéniable que la recherche peut aider à améliorer des vies. Le CPED s’engage à utiliser la recherche et les données probantes afin d’améliorer les soins de santé pour les mères, les nouveau-nés et les enfants de moins de cinq ans, et fera tout son possible pour améliorer l’état de santé des femmes et des enfants au Nigeria.

Veuillez prendre note que les opinions exprimées ici sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Initiative Think tank.