Le Gran Chaco Americano est une région chaude et semi­aride qui s’étend sur une partie de l’Argentine, de la Bolivie, du Brésil et du Paraguay. Cette région est soumise à un stress hydrique croissant en raison de la déforestation et des changements climatiques. L’Investigación para el Desarollo (ID), au Paraguay, travaille en collaboration avec des partenaires de l’Argentine et de la Bolivie pour mieux comprendre les répercussions socioéconomiques du stress hydrique sur les systèmes de production dans la région de Gran Chaco. L’Initiative Think tank a mené une entrevue avec Rossana Scribano, directrice du service du climat et des ressources naturelles de l’ID, pour en savoir plus sur leurs travaux.

[Note de la rédaction : Ce billet est le quatrième d’une série sur les think tanks et les changements climatiques, publiée sous la direction de Nikki Lulham et d’Erika Malich. Ce billet relate l’entrevue menée avec Maria Rossana Scribano, directrice du service du climat et des ressources naturelles de l’Investigación para el Desarollo (ID), au Paraguay, au sujet d’un projet de recherche financé par le CRDI qu’elle dirige. L’ID est l’un des 43 institutions de recherche sur les politiques publiques qui sont financés par l’Initiative Think tank.] 

Initiative Think Tank (ITT) : Parlez­nous de votre projet de recherche « Évaluation de l’eau dans un climat et une économie en évolution dans la région de Gran Chaco Americano » Quel problème le projet cherche­t­il à résoudre et pour quelles raisons ?

Rossana Scribano (RS) : La région de Gran Chaco reçoit, en moyenne, moins de précipitations que d’autres parties de l’Amérique du Sud. Son climat est très variable et les inondations et les périodes de sécheresse s’y succèdent de façon périodique. L’érosion du sol, la surexploitation (y compris la salinisation des eaux souterraines qui en découle) et le pacage excessif du bétail ne sont que quelques­uns des facteurs qui contribuent à la vulnérabilité de la région. Le stress hydrique limite le développement de la région de Gran Chaco. Pour orienter les décisions à long terme concernant la gestion de l’eau dans la région, il faut tenir compte des tendances en matière de précipitations et d’utilisation de l’eau, et analyser les futurs scénarios climatiques.

L’idée de cette recherche découle d’un projet antérieur ayant permis de conclure qu’une connaissance approfondie de la relation entre l’eau et la production économique est requise pour assurer un approvisionnement durable en eau. C’est l’objectif du projet d’évaluation de l’eau, qui met l’accent sur les principales activités économiques de la région de Gran Chaco, c’est­à­dire l’agriculture, l’élevage, la foresterie et l’extraction d’hydrocarbures. Nous savons déjà que l’eau est un facteur qui limite la production dans la région et qui est étroitement lié à la variabilité du climat. Le projet vise à approfondir la compréhension de ces liens.

ITT : De quelle manière la recherche contribue­t­elle à résoudre ces problèmes ? Quels sont les objectifs et les résultats souhaités ?

RS : Nous disposons de très peu d’information sur l’utilisation de l’eau pour différentes activités économiques dans la région de Gran Chaco. Nous ne savons pas non plus clairement comment ces activités seront touchées par les changements climatiques, ni quelles politiques publiques conviendraient le mieux pour limiter les effets néfastes. Le but général de la recherche est de contribuer à combler ces lacunes. Par exemple, le projet consistera notamment à évaluer et à quantifier l’utilisation de l’eau dans différents systèmes de production (p. ex., l’agriculture, le pacage du bétail, etc.) et à évaluer les effets socioéconomiques globaux des changements climatiques sur les ressources en eau de Gran Chaco Americano. Qui plus est, nous mettrons au point un outil complet que les secteurs public et privé pourront utiliser pour définir les mesures d’adaptation potentielles et éclairer la prise de décisions fondées sur des données probantes.

ITT : Qui devrait bénéficier de cette recherche, et de quelle manière ?

RS : Parmi les principaux bénéficiaires des travaux menés, on trouve les décideurs des gouvernements nationaux et locaux, le secteur privé et la population de la région. Nous espérons que nos constatations mèneront à une utilisation plus efficace des ressources en eau dans la région de Gran Chaco.

ITT : Quelle valeur apporte un think tank en s’attaquant à ce type de problème ?

RS : La contribution de l’ID à l’étude des problèmes décrits précédemment est importante. L’ID est l’organisme qui dirige ce projet de recherche et, comme il a été indiqué plus tôt, il travaille en étroite collaboration avec plusieurs partenaires de toute la région, dans le cadre d’un consortium de recherche. Nous renforçons collectivement notre capacité à mener une recherche coopérative, et nous progressons en apprenant à tirer le meilleur parti de nos forces et nos faiblesses, qui sont très complémentaires.

Toutes les institutions qui font partie du consortium sont reconnues pour leur expertise dans différents domaines de recherche, dont la déforestation, l’analyse de la vulnérabilité, l’adaptation aux changements climatiques. Ensemble, nous soutenons et renforçons le développement de la région de Gran Chaco Americano, en éclairant la conception de meilleures politiques et pratiques administratives, grâce à des communications régulières avec les décideurs à différents niveaux. De plus, l’outil décisionnel que nous créons dans le cadre du projet mettra en évidence les tendances et les habitudes de consommation d’eau dans différents secteurs économiques, et il facilitera une gestion améliorée des ressources en eau tout en contribuant au développement régional.

ITT : Quels ont été quelques­uns des avantages de la collaboration avec d’autres institutions de la région de Gran Chaco dans le cadre du projet ?

RS : La région de Gran Chaco s’étend sur quatre pays, et notre équipe de projet multipays compte des membres de trois organismes de recherche : l’Universidad Nacional de Formosa (UNaF) en Argentine, la Fundacion de la Cordillera en Bolivie et l’Investigación Para el Desarrollo (ID) au Paraguay, où je travaille. Notre recherche profite énormément de la nature complémentaire des professionnels qui composent l’équipe de projet, de par leurs disciplines et spécialités respectives. Par exemple, l’élaboration de tableaux d’entrées­sorties a exigé la collaboration d’experts tels des économistes, hydrologues, météorologues et modélisateurs des changements climatiques, professionnels de l’environnement, agronomes, vétérinaires et anthropologues.

L’équipe de projet consiste essentiellement en une structure professionnelle et institutionnelle, et chaque institution contribue grandement à la recherche. Nous représentons collectivement le centre de savoir de la région de Gran Chaco Americano, une plateforme créée par le Programme des Nations Unies pour l’environnement dans le cadre du programme Regional Gateway for Technology Transfer and Climate Change Action en Amérique latine et dans les Caraïbes.

ITT : Avec quels autres intervenants avez­vous communiqué pendant le projet, et pour quelles raisons ?

RS : Nous avons interagi avec différents intervenants tout au long du projet, notamment des autorités nationales et locales, des experts scientifiques, des entreprises privées et des institutions publiques, et tous nous ont apporté un soutien technique et de l’information. Dans le Chaco paraguayen en particulier, nous avons travaillé avec les communautés mennonites locales, qui nous ont fourni des renseignements essentiels sur les besoins en eau pour l’agriculture et l’élevage ainsi que sur les systèmes de collecte d’eau utilisés pendant les périodes de sécheresse. Nous nous sommes également entretenus avec des communautés autochtones, des experts techniques des coopératives de production locale et des autorités locales. Les interactions avec tous ces groupes ont vraiment aidé à valider l’information que nous avons recueillie durant l’étape de la recherche.

ITT : Quelles sont certaines des constatations ou certains des résultats préliminaires de la recherche à ce jour? Est­ce que des possibilités intéressantes se dessinent ?

RS : Le projet a produit de l’information qui sera utile pour réglementer l’utilisation de l’eau dans la région, et il a permis de cerner des lacunes en matière de connaissances sur l’emploi, la déforestation et la manière dont les stocks de carbone fluctuent sous l’effet de la croissance et pendant les phénomènes climatiques extrêmes. Les résultats obtenus à ce jour contribuent à illustrer les différences socioéconomiques au niveau de la demande d’eau liée aux activités économiques dans chaque pays. Ces données ont été versées dans une vaste base de données, qui décrit la consommation d’eau et son prix pour différents secteurs et activités économiques dans les trois pays compris dans le projet. 

Nos constatations devraient munir les décideurs et les intervenants clés d’information qui les aidera à établir des lignes directrices visant à améliorer les politiques et les stratégies de développement régional. Par exemple, dans le cadre de l’effort de diffusion déployé pour ce projet, nous avons participé à la troisième réunion mondiale de Gran Chaco Americano, un forum qui réunit des chercheurs, des décideurs et des représentants de la société civile pour agir collectivement et s’attaquer aux changements climatiques et au stress hydrique dans la région. Nous avons également été invités à participer à un atelier organisé par le secrétariat national des mesures d’urgence du Paraguay et d’autres organisations qui travaillent aux questions touchant le Chaco paraguayen, pour dresser un plan d’action conjoint visant à réduire les effets néfastes de la sécheresse dans la région.

Dans l’ensemble, cette recherche contribue à l’élaboration de meilleures politiques et pratiques pour la région de Gran Chaco, et par ricochet, à une utilisation plus efficace d’une ressource qui est d’une importance capitale à la fois pour le développement économique et pour la survie humaine.

Pour en savoir plus sur le projet :

  • Consulter le site Web du projet [en espagnol]
  • Lire sur la participation de l’ID à la troisième réunion mondiale de la région de Chaco, qui a eu lieu à Villa Montes, en Bolivie, du 13 au 16 juin 2016 [en espagnol]
  • Lire sur la manière dont l’équipe de projet a collaboré avec les étudiants lauréats du concours national d’expo­sciences [en espagnol]

 

Tags